Qu’est-ce qu’un bon facilitateur ? Son rôle a-t-il évolué suite à la pandémie de 2019 ? La distance et le travail de co-innovation en ligne ont-ils eu un impact sur sa façon de travailler ?
Le Click, le CETIC et Design Innovation se sont alliés pour vous proposer une analyse croisée de ces questions, alimentée par des points de vue complémentaires de la recherche en entreprise et de la formation.
Il s’agit de la première pièce d’une série d’articles qui traiteront de la créativité à distance, des outils, méthodes et installations matérielles, et de la façon dont nous pouvons créer des opportunités face aux contraintes qui se sont imposées à nous, suite notamment au télétravail de masse.
Cet article a été rédigé par : Anaïs Blanckaert (Click), François Rocca (Click), Laurie Ceccotti (CETIC), Lucrezia Dibattista (CETIC), Bérengère Nihoul (CETIC), Chistophe Ponsard (CETIC) et Thomas Feron (Design Innovation).
Nous avons interpellé des chercheurs, des porteurs de projets, ou des experts... qui participent très régulièrement à des séances d’intelligence collective dans le cadre de différents types de projets avec des entreprises Wallonnes. Nous leur avons posé la question suivante : « Qu’est-ce qu’un bon facilitateur ? »
La réponse que nous avons reçue était, en fait, une question : qu’est-ce qu’un facilitateur ?
Nous avons avant tout constaté que les rôles ne sont pas toujours clairs, dans l’esprit des participants, mais également pour les organisateurs de séance de travail collaboratif. Or, pour être un bon facilitateur, il faut savoir ce qui est de son ressort mais surtout ce qui ne fait pas partie de son rôle.
Selon le Larousse, un facilitateur est quelqu’un qui est chargé de faciliter le déroulement d’une action, d’un processus.
Selon nous, un facilitateur n’est pas (seulement) un animateur, un chauffeur de salle, il n’est pas non plus l’expert qui permet de cadrer les discussions dans le champ des possibles et mettre en avant l’état des connaissances actuelles sur le sujet. Le facilitateur aide les participants à être à l’aise pour faire émerger les idées, pour faire parler et collaborer. Il apporte une expertise méthodologique en termes de créativité et d’émergence d’idées. Cependant, le facilitateur est souvent aussi modérateur et gardien du temps.
Le facilitateur aide le porteur de projet à clarifier son idée en lui posant les bonnes questions. Il apporte une méthode et un cadre organisationnel sur lesquels s’appuyer pour assurer le déroulement d’une séance productive en termes d’idées innovantes.
Abordons dès lors ensemble les rôles du facilitateur, ses qualités et l’évolution de cette fonction nécessaire à toute activité co-créative face à la numérisation des échanges.
On fait appel à un facilitateur à différents moments de la vie d’une entreprise. Lorsque l’on cherche à développer un nouveau produit ou service, à renforcer un produit ou service. Lorsque des questions stratégiques se posent et qu’on souhaite y réfléchir collectivement et impliquer les collaborateurs, salariés ou toute partie prenante... On fait également appel à lui pour (re)mobiliser des équipes sur un projet.
La fonction de facilitateur est cruciale car c’est lui qui va gérer l’ensemble du processus facilité, il aura en charge la gestion du temps et devra veiller à ce que chacun puisse s’exprimer de façon équitable. Il pourra également résumer la situation régulièrement et faire avancer l’équipe dans le processus. D’autres noms sont donc parfois donnés au facilitateur : animateur, médiateur, modérateur. Lors d’un processus de facilitation, d’autres rôles complémentaires au sien sont également importants : le décideur qui permet d’avancer grâce à une première validation hiérarchique, divers experts qui apportent une connaissance spécifique sur un sujet (expert client, marketing, technologique…), le contestataire qui permet parfois de challenger les résultats.
Il est important qu’il connaisse les outils et les leviers qui peuvent booster la motivation et la créativité des participants. Il doit savoir se mettre à la place des autres, connaitre les participants, les comprendre et savoir quelles sont leurs limites. Le facilitateur débute son travail bien avant la séance proprement dite en établissant le but de la séance avec le demandeur. Il crée une structure (avec d’éventuels supports) et met en place un protocole. Lors de la séance, il expose le cadre et essaie de mettre à l’aise les participants afin d’encourager la créativité. Après la séance, il garde un rôle important afin de faire un rapport de la séance et des résultats. Il est parfois aidé dans son rôle par un secrétaire et/ou un observateur qui peuvent également le seconder pour certaines parties (séparer le groupe pour travailler en sous-groupes sur plusieurs points en parallèle, apporter une aide à un participant, etc.) .
Le facilitateur permet enfin, à un groupe de participants, d’appréhender de nouveaux outils, de nouvelles manières de travailler. Le rôle du facilitateur est vu comme un « ouvreur de perspectives » grâce à des outils accessibles qui permettent d’augmenter la créativité et donc l’innovation.
En résumé, le facilitateur est un chef d’orchestre, qui, par le biais de méthodes et d’outils va permettre à chaque participant de prendre part à la partition, en créant du lien et en facilitant la communication entre acteurs en tenant compte des différents profils des participants. A partir de profils variés de participants, et d’objectifs parfois opposés, voire d’injonctions contradictoires, il va permettre à l’ensemble du groupe de tendre vers un sens commun.
Le facilitateur va devoir faire preuve de nombreuses qualités durant toute la durée de son accompagnement auprès du porteur de projet (voir la ligne du temps ci-dessous). Nous avons recueilli, auprès des participants réguliers à ce type d’activité mais aussi auprès des facilitateurs eux-mêmes, les qualités essentielles d’un facilitateur efficace.
De nombreux facilitateurs se sont exprimés sur leur expérience, notamment durant les confinements successifs. Ci-dessous, on découvre, par exemple, que les facilitateurs de Worklab [1] sont en accord avec les personnes ayant répondu à nos différentes enquêtes. Il s’agit de qualités qui sont aussi importantes en présentiel qu’en distanciel.
Le facilitateur doit s’armer de nombreuses qualités, mais a contrario, d’après les personnes ayant participé à ce retour d’expérience, un facilitateur doit également prendre garde à ne pas faire un certain nombre d’impairs. L’illustration ci-dessous vous met en garde sur les mauvaises pratiques à éviter :
Il existe quelques astuces pour contourner ces difficultés. Par exemple :
Après plusieurs mois d’expériences en ligne et en mode hybride, différents points de vue se complètent sur ce qui a changé dans l’animation et la participation aux activités co-créatives ainsi que dans le rôle du facilitateur.
Du point de vue des participants, il apparait que la majorité des répondants préfèrent les activités en présentiel, bien que certains s’accordent sur l’opportunité des activités en ligne, en fonction des objectifs et du type d’activité. Les raisons de cette préférence sont une meilleure appréhension du langage corporel et non verbal, une plus grande possibilité pour chacun de s’exprimer, et l’évitement des aléas techniques dus aux outils de communications (coupure de micro, voire de connexion, fracture numérique…). Enfin, le recours à des sessions hybrides mêlant outils traditionnels et outils numériques séduit certains répondants, notamment dans la capacité à capturer et collectionner puis partager plus d’informations ou des informations différentes, grâce aux outils numériques.
Pour les facilitateurs, distanciel ou présentiel sont jouables, si on s’en donne les moyens, c’est-à-dire un outil de visioconférence, un outil collaboratif et un espace de questions/sondages/interactions. Le distanciel enlève la notion de gestion de l’espace mais accentue la gestion du temps – « si une session est prévue dans un programme de 2h, après 2h certains s’en vont ! ». Il est nécessaire malgré tout de maintenir un rythme soutenu afin d’éviter l’ennui des participants derrière les écrans, tout en ménageant des pauses pour des sessions au-delà d’une heure afin d’éviter la fatigue.
Le distanciel ne rend jamais une session impossible, au contraire il lève certaines barrières : rassemble des personnes géographiquement éloignées, donne la parole aux introvertis (aidé si pas d’obligation de caméra !) et aux non experts… Les qualités qu’un facilitateur doit avoir ne changent pas vraiment mais son rôle doit être davantage mis en avant, ainsi que les autres rôles (experts, modérateurs, support technique…). Les groupes doivent être plus petits sinon il est parfois difficile de les gérer (prise de parole + ressources pour animer) mais les méthodes et outils d’animation restent souvent les mêmes, en étant adapté à la marge ou numérisés [2]. Certaines modalités fonctionnent moins bien, par exemple la prise de parole en mode « pop-corn » [3], le facilitateur doit alors faire preuve d’inventivité et s’approprier de nouvelles méthodes d’animation.
Enfin, dans les sessions en ligne, un rôle est revenu sur le devant de la scène et a repris toute son importance : le modérateur. Il modère le chat, donne la parole, rapporte les questions aux orateurs, gère les problèmes techniques spécifiques, indique la marche à suivre pour l’usage des outils.
En résumé, les impacts principaux du numérique sur le rôle du facilitateur peuvent se synthétiser comme ceci :
Le facilitateur 2.0, pour faciliter les ateliers en présentiel, à distance ou en hybride, doit :
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Cet article a été réalisé dans le cadre du projet IDEES dans le cadre de la programmation FEDER 2014-2020.
Pour en savoir plus sur l’impact de la distance et de la numérisation sur la co-créativité, suivez attentivement les prochaines publications co-signées par le Click, Design Innovation et le CETIC sur le sujet.
[1] Worklab est un cabinet de conseil et de formation, spécialisé dans le travail collaboratif, qui a développé une expertise dans la facilitation en ligne, https://www.worklab.fr/
[2] Les outils et méthodes d’animation spécifiques aux activités en ligne seront abordés dans un prochain article.
[3] La parole pop-corn est un type de prise de parole où le but est que les participants rebondissent sur les propos des uns et des autres à chaque prise de parole et cela sans pour autant les interrompre.
[4] Le facilitateur n’a pas forcément le choix des participants, il peut toutefois attirer l’attention par rapport à la taille ou à la complémentarité du groupe